Intelligences stratégiques internationales 

Un numéro dirigé par :
Sophie NIVOIX, Professeure en Sciences de Gestion, Laboratoire CEREGE UR 13564, Université de Poitiers
Nawal DAFFEUR, Maîtresse de Conférences, Laboratoire CEREGE UR 13564, Université de Poitiers

Le début de ce siècle foisonne de sources de tensions et de crises, bien loin de la « fin de l’histoire » évoquée momentanément à la suite de la chute du bloc communiste au début de la décennie 1990. Outre la recomposition géopolitique qui en fut le résultat, l’essor des BRICs et les nouveaux enjeux stratégiques internationaux ont amplifié l’écho des rivalités entre entreprises, entre Etats et entre zones économiques. Les problématiques d’accès aux ressources, de gestion de celles-ci, en lien avec les ambitions territoriales de certains pays et le souhait de pérennité de l’influence d’autres acteurs nationaux soulèvent en outre la question de la souveraineté.

En ce sens, l’intégration de l’information au sein de la stratégie de développement est essentielle, mais la manière de procéder, ses enjeux et ses limites ont jusqu’à présent été insuffisamment explorés, et particulièrement dans le contexte international. Certains auteurs se sont intéressés aux problématiques d’interdépendance des acteurs et aux techniques de veille stratégique (Bulinge, 2016). D’autres ont focalisé leur attention sur la question de l’accès aux ressources puis de leur gestion dans une perspective d’internationalisation des entreprises ou des organisations (Nivoix et Marcon, 2024). Un consensus émerge sur la nécessité d’intégrer davantage l’intelligence économique dans la stratégie des firmes (Oubrich, 2007), non seulement pour mieux réagir aux évolutions de l’environnement, mais aussi pour en anticiper les tendances. À une échelle méso ou macro-économique la logique opérant pour les États s’avère identique, et les besoins informationnels de nature voisine (Guihon et Moinet, 2016).  Au-delà de la veille informationnelle et économique, c’est tout le processus de décision qui se trouve influencé par l’intelligence économique, qu’elle soit locale ou internationale (Drevon et al. 2021).

Ce numéro spécial se propose donc de mettre en lumière différents aspects d’une intelligence stratégique internationale, dont l’intelligence économique pourrait gagner à intégrer de dimensions insuffisamment explorées. 

Il propose également d’examiner l’impact de l’intelligence stratégique et compétitive sur la vitesse d’internationalisation des entreprises (Bel Hadj et Ghodbane, 2016 ; Bel Hadj et al., 2019). Une question clé est de comprendre comment un processus permettant aux entreprises de recueillir et d’analyser des données pour détecter des opportunités tout en minimisant les menaces (Gudfinnsson et al., 2015) influence l’internationalisation. La littérature indique que pour réussir ce processus, une agilité organisationnelle est nécessaire (Lu et Ramamurthy, 2011 ;Mikalef et Pateli, 2017) afin de convertir efficacement les connaissances explicites en connaissances tacites essentielles à une expansion internationale rapide (Goldman et al., 1995 ; Volberda, 1997). 

Au-delà de l’agilité organisationnelle et stratégique, ce numéro interroge l’intelligence contextuelle (Khanna, 2014). Il invite à explorer comment ces pratiques d’internationalisation se déploient dans des contextes spécifiques, comme ceux des pays émergents, par le biais d’acteurs particuliers tels que les entreprises des économies émergentes. Les recherches récentes (Maze et Chailan, 2021) montrent que ces entreprises ne se limitent pas à soumettre des offres, mais établissent aussi divers types d’alliances pour influencer durablement les institutions locales (Buckley et al., 2018), introduire de nouvelles pratiques et normes commerciales, tout en agissant en tant que partenaires au sein de leur nouvel écosystème (Mathews, 2006, 2017).

Les articles tant théoriques qu’empiriques sont susceptibles de faire partie de ce futur numéro de la R2IE qui vise à rassembler des recherches interdisciplinaires sur les différentes facettes de l’intelligence stratégique dans un contexte international. Les contributions peuvent donc aborder les aspects du management stratégique international, examiner comment les organisations naviguent dans des environnements multiculturels et multinationaux, et explorer les enjeux de diversité, d’adaptation culturelle ainsi que les incertitudes géopolitiques et économiques. Les objets d’étude, d’une petite organisation privée et/ou publique à une zone économique, d’un marché à une stratégie de développement, sont particulièrement nombreux, tout comme les lieux, acteurs et outils impliqués dans la réflexion.

Dans ce contexte, voici une liste de questions de recherche qui pourraient guider les auteurs, d’autres questions directement liées au thème de ce numéro spécial sont également les bienvenues :

– Quel enjeux pour l’intelligence stratégique internationale à l’heure des défis liés à la souveraineté économique, numérique ou informationnelle ?  

– Quels contours peut-on identifier pour le domaine de l’intelligence stratégique internationale ?

– Quelle chaîne de décision pour l’opérationnalisation de l’intelligence stratégique internationale ?

– Quelles formations académique, professionnelle, formelle ou informelle pour développer l’intelligence stratégique internationale ?

– Quels outils pour la mise en œuvre de l’intelligence stratégique internationale ?

– Comment inclure l’intelligence économique dans la stratégie des entreprises à l’international ?

– Quelles pratiques d’intelligence économique au service de la stratégie ?

– Quel rôle des institutions nationales et internationales dans l’intelligence stratégique ?  

– Agilité organisationnelle, stratégique, opérationnelle ou encore intelligence contextuelle : comment ces formes d’intelligence se manifestent-elles à l’échelle internationale pour les entreprises ?

– Comment les entreprises peuvent-elles intégrer l’intelligence stratégique et contextuelle pour renforcer leur agilité organisationnelle et ainsi accélérer leur expansion internationale ?

– Quelles pratiques et quelles stratégies peuvent être mises en place par les entreprises pour répondre aux défis posés par les environnements internationaux complexes ?

– Quels sont les défis et les opportunités spécifiques associés à l’exploitation des vides institutionnels dans les marchés d’accueil et comment les entreprises peuvent-elles les aborder grâce à l’intelligence économique ?

– Comment les entreprises exploitent-elles leurs compétences politiques et institutionnelles pour accélérer leur expansion internationale ?

– Quels sont les défis spécifiques posés par la distance culturelle et comment les entreprises peuvent-elles les surmonter pour optimiser la transformation des connaissances dans un contexte international ?

– De quelle manière les entreprises des pays émergents développent-elles des approches non conventionnelles de la mondialisation et quelles en sont les implications pour les stratégies internationales ?

Autant d’interrogations qui nécessitent des éclairages aussi variés que spécialisés, afin non seulement de comprendre les défis actuels mais d’y faire face de manière pertinente pour l’avenir.

Bibliographie indicative

Bel Hadj,T., & Ghodbane, A. (2016). Business intelligence versus entrepreneurial competitive intelligence and international competitiveness of North African SMEs. Journal of International Entrepreneurship, 14, 539-561.

Bel Hadj,T., Zouhayer, M.,& Ghodbane, A. (2019). Entrepreneurial competitive intelligence between Uppsala model and born global theories in the case of North African SMEs. Journal of the Knowledge Economy, 10, 734-755.

Buckley, P. J., Doh, J. P., & Benischke, M. H. (2017). Towards a renaissance in international business research? Big questions, grand challenges, and the future of IB scholarship. Journal of International Business Studies, 48, 1045-1064.

Buckley, P. L., Clegg, L. J., Voss, H., Cross, A. R., Liu, X., & Zheng, P. (2018). A retrospective and agenda for future research on Chinese outward foreign direct investment. Journal of International Business Studies, 49(1), 4–23.

Bulinge, F., (2016), Management de l’information stratégique, une approche centrée projet, Cahiers de la documentation–Bladen voor documentatie 2021/2 (Vol. 1, 27 p.

Cavusgil, S. T., & Knight, G. (2015). The born global firm: An entrepreneurial and capabilities perspective on early and rapid internationalization. Journal of international business studies, 46, 3-16.

Cavusgil, S. T., & Knight, G. (2015). The born global firm: An entrepreneurial and capabilities perspective on early and rapid internationalization. Journal of international business studies, 46, 3-16.

Drevon, E., Dufour, Ch., Maurel, D., (2021), De la prise de décision à la stratégie des organisations : les finalités de la veille orientée vers la stratégie, Revue Internationale d’Intelligence Economique 2021/2 (Vol. 13), p. 23 à 42.

Goedhuys, M., & Sleuwaegen, L. (2016). International standards certification, institutional voids and exports from developing country firms. International Business Review, 25(6), 1344-1355.

Goldman, S. L., Nagel, R. N., & Preiss, K. (1995). Agile competitors and virtual organizations: strategies for enriching the customer (Vol. 8). New York: Van Nostrand Reinhold.

Gudfinnsson, K., Strand, M., & Berndtsson, M. (2015). Analyzing business intelligence maturity. Journal of Decision Systems, 24(1), 37-54.

Khanna, T. (2014). Entrepreneurship in emerging markets: Contextual intelligence for the study of two thirds of the world’s population. In Multidisciplinary insights from new AIB fellows (Vol. 16, pp. 221-238). Emerald Group Publishing Limited.

Lu, Y., & K.(Ram) Ramamurthy. (2011). Understanding the link between information technology capability and organizational agility: An empirical examination. MIS quarterly, 931-954.

Mathews, J. A. (2006). Dragon multinationals: New players in 21 st century globalization. Asia Pacific journal of management, 23, 5-27.

Mathews, J. A. (2017). Dragon multinationals powered by linkage, leverage and learning: A review and development. Asia Pacific Journal of Management, 34, 769-775.

Mazé, D., & Chailan, C. (2021). A South-South perspective on emerging economy companies and institutional coevolution: An empirical study of Chinese multinationals in Africa. International Business Review, 30(4), 101704.

Mikalef, P., & Pateli, A. (2017). Information technology-enabled dynamic capabilities and their indirect effect on competitive performance: Findings from PLS-SEM and fsQCA. Journal of business research, 70, 1-16.

Moinet, N., Guilhon, A., (2016) Intelligence économique – S’informer, se protéger, influencer, Pearson, 320 p.

Nivoix, S., Marcon, Ch. (2024) Firm internationalization – Intangible resources and development, Routledge, 245 p.

Oubrich, M., (2007), L’intelligence économique : un outil de management stratégique orienté vers le développement de nouvelles connaissances, La Revue des Sciences de Gestion 2007/4-5, p. 77 à 88.

Ramamurti, R. (2012). Competing with emerging market multinationals. Business Horizons, 55(3), 241-249.

Tan, H., & Mathews, J. A. (2015). Accelerated internationalization and resource leverage strategizing: The case of Chinese wind turbine manufacturers. Journal of World Business, 50(3), 417-427.

Volberda, H. W. (1997). Building flexible organizations for fast-moving markets. Long range planning, 30(2), 169-148

Langues : Les articles proposés pourront être rédigés en langue française ou en anglais

Dates importantes

13 avril 2025    Date limite de réception des articles complets.
5 mai 2025    Début des notifications d’acceptation, de correction ou de modification.
9 juin 2025    Date limite de réception des articles corrigés et définitifs.

Guide à la soumission des articles

•    Soumission des articles : au plus tard le 13 avril 2025, sous forme d’un texte complet (format DOC ou DOCx uniquement) à l’adresse suivante : sophie.nivoix@univ-poitiers.fr
Un accusé de réception sera envoyé, sous 48h, aux auteurs.
Les articles doivent être d’une longueur de texte qui ne doit pas excéder 40 000 signes (espaces compris), selon les consignes ci-après.

•    Notifications d’acceptation : à partir du 5 mai 2025, les auteurs recevront une notification d’acceptation, de correction ou de modification des articles complets évalués par le comité scientifique.

•    Date limite de réception des articles corrigés et définitifs (si demandé par le comité scientifique) : 9 juin 2025. Le non-respect de cette date peut entrainer l’éviction pour cause de délai d’édition.
 

Évaluation des articles
Chaque article sera examiné par au moins deux évaluateurs (en double aveugle), qui estimeront sa pertinence, sa cohérence avec le thème du numéro, sa validité scientifique, son originalité et la clarté de son contenu.

Comité scientifique du numéro

Nawal DAFFEUR, Maîtresse de conférences en Sciences de Gestion à l’université de Poitiers
Jacques JAUSSAUD, Professeur en Sciences de Gestion, Université de Pau et pays de l’Adour
Christian MARCON, Professeur en Sciences de l’Information et la communication à l’université de Poitiers. Directeur de la Revue Internationale d’Intelligence Économique
Éric MILLIOT, Professeur en Sciences de Gestion à l’Université de Nantes
Nicolas MOINET, Professeur en Sciences de l’Information et la communication à l’université de Poitiers  
Sophie NIVOIX, Professeure en Sciences de Gestion à l’Université de Poitiers
Anne MARCHAIS-ROUBELAT, Maîtresse de conférences HDR en Sciences de Gestion, Le CNAM, Paris
Mohammed SQALLI, Professeur en Sciences de Gestion à l’ENCG de l’Université Moulay Ismaïl, Chercheur-associé à l’IAE de Poitiers.
Philippe VERY, Professeur en Sciences de Gestion, EDHEC, Nice

Contacts : sophie.nivoix@univ-poitiers.fr , ndaffeur@poitiers.iae-france.fr

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