Couverture de l'ouvrage intitulé "les-dirigeants face a l'information

Les dirigeants face à l’information. Traitement, appropriation, décision

Pascal JUNGHANS, Editions Deboeck Supérieur, Collection Information et Stratégie, 175 p. 

C’est un ouvrage à la fois utile et pertinent que Pascal Junghans nous propose avec son nouvel opus Les dirigeants face à l’information. En 175 pages, l’auteur décortique les pratiques informationnelles des dirigeants de grandes entreprises en prenant la distance conceptuelle nécessaire pour éviter la tentation toujours dangereuse du copier-coller de pratiques et inviter plutôt le lecteur à passer par la démarche du comprendre-penser-agir.

A celui qui cherche une rencontre directe avec les récits que font les dirigeants de leur rapport à l’information, l’ouvrage propose un abondant verbatim issu des entretiens conduits par l’auteur. Pour autant, Pascal Junghans ne tombe pas dans le travers de l’accumulation d’extraits qui prétendrait constituer en soi une réflexion. C’est bien une analyse personnelle qu’il déploie, mais une analyse qui n’est pas le seul reflet de ce que son parcours professionnel lui a enseigné.

Respectant les codes de l’écriture scientifique, l’auteur s’appuie sur une abondante littérature scientifique, bénéfice évident de son travail doctoral, sans jamais que les soutiens théoriques soient pesants. D’ailleurs, le report en fin d’ouvrage des références précises et l’usage parcimonieux des notes de bas de page suscitent à la fois la sympathie du lecteur profane et du lecteur scientifique. Non, les références sont juste là pour garantir que l’auteur n’écrit pas ce qui lui fait plaisir mais ce qui doit être écrit, eu égard à ce que les chercheurs qui imprègnent sa pensée ont pu apporter à sa propre réflexion. Cela ne l’empêche d’ailleurs pas de proposer ses propres concepts, comme celui de bain d’information.

En quinze chapitres relativement concis qui ne dépassent guère la dizaine de pages chacun, Pascal Junghans aborde un large éventail de questions : les sources d’information du dirigeant, dont la première restent les médias ; la contribution essentielle des réseaux de dirigeants (qui confirme nos analyses en termes de stratégie-réseau) et la montée en puissance des réseaux virtuels dans leur information ; la recherche des signaux faibles par des dirigeants qui considèrent que cela relève de leur mission (quand Alloing et Moinet les traitent de mythe, voire de mystification[1]) ; la prospective et la tentative de prévoir l’avenir – « prophétiser demain » pour reprendre le terme choisi par l’auteur…

L’un des aspects particulièrement intéressants de l’ouvrage est la démarche conduite pour entrer dans la boite noire que constitue le cerveau du dirigeant. En témoignent certains titres de chapitres : l’appropriation de l’information, moment de tension créatrice (chapitre 9), le cerveau informationnel (chapitre 11), risques et opportunités des biais cognitifs (chapitre 12), les émotions pour accéder au monde (chapitre 13).

Voilà qui nous change agréablement et fort utilement des discours technicistes sur une intelligence artificielle qui nous promet des lendemains informationnels qui chantent, sans s’interroger précisément sur le dernier, et décisif, maillon de la chaîne : l’esprit du décideur. Dans le sillage de Moinet et Libaert[2], nous soutenions en 2014 que l’intelligence économique devait davantage être interpelée sous l’angle de la communication[3]. L’ouvrage de Pascal Junghans contribue, par ces chapitres, à alimenter la réflexion.

Pour reprendre nos propos initiaux, l’ouvrage de Pascal Junghans est aussi utile et pertinent pour les décideurs qui veulent bien prendre le temps de questionner leurs pratiques informationnelles que pour les étudiants en intelligence économique qui doivent se désintoxiquer du réflexe de l’outil-solution et les chercheurs qui peuvent y trouver un parcours solidement étayé de la réflexion sur cette problématique.

Christian Marcon


[1] ALLOING, C., MOINET, M., « Les signaux faibles : du mythe à la mystification », Hermès n° 76, 2016, pp. 68

[2] LIBAERT T., MOINET N., « La communication, clé de voûte de l’intelligence économique », Communication et organisation, 42 | 2012, 5-10

[3] MARCON C., La recherche française en intelligence économique : Bilan et perspectives, Éditions L’Harmattan, collection Intelligence Économique, 2014, 257 pages

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