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Intelligence territoriale adossée à une démarche qualité : défis et clefs du succès pour des zones industrielles durables au Maroc

Rajaa BELFKIH, Doctorante chercheure à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Université Ibn Tofail Kénitra, Maroc.
Thierry MONIQUET, expert international en intelligence stratégique ,DIS-project.
Bernard GILLET, accompagnateur de projets de développement local, adaptés aux O.D.D.
Pr. Omar TAOUAB, professeur à l’université Ibn Tofail Kénitra, Maroc.

Résumé :
La notion de zones industrielles durables fait l’objet d’une intense activité internationale de recherche, ce qui a débouché sur de très nombreux rapports et guides à l’attention de toutes les parties prenantes au développement durable de zones industrielles. Résultant de travaux de recherche et d’expertise, ce rapport apporte une vision nouvelle en développant une approche conceptuelle via l’intelligence territoriale, ce qui permet d’identifier des modalités opératives par lesquelles cette dernière peut contribuer à la « durabilité » des zones industrielles.  Ainsi, l’application des concepts de l’intelligence territoriale (en particulier celui de réseaux d’acteurs interagissant et développant ensemble des processus d’apprentissage et d’intelligence collective) met en évidence la nature systémique du concept de ZID : un écosystème participant d’un enchevêtrement d’écosystèmes. Une stratégie de développement durable doit alors s’appuyer sur une intelligence écosystémique articulant une intelligence territoriale et l’intelligence économique déployée individuellement par les acteurs industriels pour assurer leur compétitivité. Une « politique territoriale » fondée sur les démarches qualité pour répondre aux normes économiques, sociales et environnementales appliquées en association permet d’atteindre cet objectif.

 Mots clés : Zone industrielle durable (ZID), qualité, intelligence territoriale, développement durable

 Abstract:
The concept of sustainable industrial zones has been the subject of intense international research activity, which resulted in very many reports and guides to the attention of all stakeholders in sustainable development of industrial zones. Resulting from research and expertise, this report brings a new vision by developing a conceptual approach through the territorial intelligence, allowing the identification of operative modalities, which it can contribute to the « sustainability » of industrial zones. Thus, the application of the concepts of territorial intelligence (especially the networks of actors interacting and developing all the learning process and collective intelligence), high lights the systemic nature of the concept of ZID: a participant ecosystem a tangle of ecosystems. A sustainable development strategy must be based on an ecosystem intelligence articulating a territorial intelligence and individually deployed business intelligence, by industry players to ensure their competitiveness.
A « Territorial policy » based on quality procedures to meet the economic, social and environmental standards, applied in association, makes it possible to achieve that goal.

Keywords : Sustainable industrial zone (ZID), quality, territorial intelligence, sustainable development

Chapitre I : Introduction

Cet article a pour ambition de présenter les résultats de recherche et d’expérience visant à définir le rôle que peut jouer l’intelligence territoriale dans le développement de zones industrielles durables – ZID :

  • Comment les approches conceptuelles de l’intelligence territoriale peuvent aider à comprendre la nature de la problématique de développement des zones industrielles durables ?
  • Selon quelles modalités l’Intelligence Territoriale peut intervenir ?

Le concept de ZID représente une problématique majeure dans un pays comme le Maroc engagé à la fois dans une phase d’industrialisation et dans une stratégie de positionnement comme leader du développement durable dans le monde.

La concentration d’industries dans ces zones conduit à des impacts environnementaux et climatiques qui peuvent être importants. L’empreinte climatique de ce type de zone devient alors une problématique cruciale pour les pays en phase d’industrialisation sur leur chemin de réalisation des objectifs de développement durable : consommation énergétique, consommation de ressources naturelles, détérioration des ressources en eau, rejets industriels, pollution due un plan de mobilité, etc… Elle constitue également et directement un puissant frein au développement des industries et de leurs zones

Or, le développement industriel est considéré comme un facteur fondamentalement décisif pour l’essor du développement international et des économies émergentes comme le Maroc.  Au cours des dernières décennies, l’industrialisation au Maroc s’est accélérée et a été un moteur de croissance économique. Ce dynamisme n’est pas sans susciter des pressions sur le développement des zones industrielles, ce qui exacerbe les impacts d’ordre environnemental et climatique. Malgré un engagement important en matière d’aménagement d’infrastructures industrielles durant la dernière décennie, les zones industrielles et leurs entreprises font aujourd’hui face à une série de pressions liées au marché, à la chaîne d’approvisionnement, au financement ou à l’assurance. De plus, de nouvelles réglementations, l’ancienneté ou la défaillance des infrastructures et les problèmes et engagements environnementaux au niveau local, national ou mondial, sont des facteurs qui viennent aussi influencer la performance des zones industrielles.

Les zones industrielles sont donc un élément central des stratégies de développement du Maroc. Rendre ces zones industrielles durables constitue dès lors un objectif prioritaire.  Si des mesures sont prises pour réduire le fossé entre développement et durabilité, les zones industrielles durables pourront jouer un rôle clef dans l’effort de découplage entre la croissance économique et les dommages aux ressources et à l’environnement.  Aussi, le Maroc initie des programmes pour la durabilité des ZI, notamment avec le soutien de programmes de coopération internationale comme FONZID initié dans le cadre de l’initiative Millennium Challenge Corporation avec les Etats-Unis.

Par nature, le développement de la durabilité de ces zones est au cœur des missions de l’Intelligence Economique (IE) comme le démontre le chapitre 3. La mise en perspective des définitions de l’Intelligence Economique et de l’Intelligence Territoriale, avec les évolutions organisationnelles radicales actuelles permet de mieux connaître la nature de la problématique de développement durable. Et de mieux cerner le fait que cet objectif de durabilité ne sera atteint efficacement qu’à partir du moment où l’intelligence économique des entreprises individuelles installées dans ces zones industrielles et une intelligence territoriale déployée collectivement par ces dernières au niveau des zones sont bien articulées.

L’analyse exposée dans ce chapitre 3 permet d’identifier une voie stratégique intéressante pour concrétiser ce concept de ZID. Cette stratégie s’appuie sur les démarches de conformité aux normes économiques, sociales et environnementales.

Cette analyse résulte de travaux de recherche et d’enseignements d’expérience :

  • Les travaux de recherche dans le cadre de la thèse de doctorat réalisée par rajaa BELFKIH à l’Université Ibn Tofail à Kénitra sous la direction du Professeur omar TAOUAB. Cette thèse a pour objectif de déterminer de nouvelles approches conceptuelles afin de mieux comprendre le concept de ZID et de définir des modélisations de politiques territoriales destinées à rendre durable des zones industrielles existantes ou créer des projets de zones nouvelles durables. Cette recherche prend appui sur les résultats et réalisations observés dans le cadre du programme FONZID – Fonds des Zones Industrielles Durables – créé par le Millenium Challenge Account Morocco de la Coopération Américaine et le Ministère marocain de l’industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique ;

Les résultats de missions d’expertise du DIS Project – Design International Strategy – développé par Thierry Moniquet, Expert International en Intelligence Stratégique. DIS est hébergé dans l’incubateur APUI de l’IMT Lille Douai et travaille avec le Laboratoire de Génie Civil et Environnemental – LGCE – sur des projets de mise en place de nouveaux modèles d’économie circulaire au Maroc. En particulier, DIS réalise des missions d’expertise pour le développement de projets d’économie circulaire dans de nouveaux écosystèmes industriels, en appui de la chaire industrielle ECOMAT qu’a créée l’IMT Lille Douai à Rabat avec l’ENSM Rabat, le groupe français NEOECO et le groupe marocain MEDINA AGREGATS ;

  • Les enseignements qui peuvent être retirés de projets de développement territorial réalisés dans le cadre de la coopération internationale, en particulier les projets ODD – Objectifs de Développement Durable du PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement. Ce type de projets que Bernard Gillet a mené en Afrique notamment dans le cadre de la Coopération française ont mis en évidence le rôle central des normes économiques, sociales et environnementales dans l’implémentation des objectifs du développement durable. Les démarches qualité dans le management territorial constituent donc un puissant levier d’action ;

Les auteurs concluent leur réflexion par des préconisations de recherche pour le futur. Car, en effet, la compréhension et la maîtrise de la problématique du développement des zones durables requièrent de nouvelles investigations scientifiques et expérimentations opérationnelles.

Au préalable, le chapitre II tente de donner une synthèse de la notion de Zone Industrielle Durable, sur base de la littérature scientifique existante.

Chapitre II : Le concept de Zone Industrielle Durable

Le concept des « zones industrielles durables » (ZID), est défini par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) comme suit : « une communauté d’entreprises manufacturières et de services situées sur une propriété commune. Les entreprises membres cherchent à améliorer leurs performances sociales, économiques et environnementales par la collaboration dans la gestion des questions environnementales et de ressources. » (Lowe, 2001). Ce concept (ZID) touche donc plusieurs aspects. On peut citer l’aménagement, les ancrages urbanistiques comme les V.R.D. (Voiries, Réseaux, Dessertes) et les îlots réservés aux fonctions spécifiques, les techniques de construction, les énergies utilisées, l’accessibilité, etc. Le développement durable concerne également la mobilisation et la conservation des ressources lors de la mise en place de la zone industrielle ou au moment de sa réhabilitation, le choix du terrain d’implantation, la prise en compte de la faune et de la flore…

La « zone industrielle durable » concerne également les pratiques de gestion de la ZI dans sa globalité et des entreprises implantées. Celles-ci doivent être efficaces en termes de consommation des ressources, utiliser des énergies renouvelables, introduire des techniques et technologies d’économie (eau, énergie…), et tendre vers une économie circulaire. Cette économie circulaire constitue une alternative prometteuse pouvant répondre à ces enjeux, mais cela exige aussi une organisation sans faille et des relations entre entreprises et entrepreneurs voisins, assises sur des valeurs fortes et indissociables les unes des autres, à savoir, à minima : autonomie, égalité, échange, partage, réciprocité et solidarité, sans oublier responsabilité, traçabilité et transparence.

D’autre part des valeurs et principes sont nécessaires à de bonnes prises de décisions stratégiques des entreprises et gestionnaires de la Zone Industrielle : loyauté envers les clients, les fournisseurs et les collaborateurs, qualité supérieure en toute circonstance, innover, être toujours à la pointe, développer un modèle économique plus éthique, respecter l’environnement. Ces valeurs d’une entreprise reflètent la vision de son dirigeant, sa façon de concevoir l’entrepreneuriat.

Cela demande aussi de la part de toutes les parties intervenantes dans la création ou la réhabilitation d’une zone industrielle, une parfaite connaissance des outils et moyens mis à leur disposition, des objectifs fixés à l’agenda 2030, ainsi que des normes en vigueur et qui les engagent tous. Les entreprises et collectivités intervenantes dans et en dehors de la zone lors de sa création sont concernées de la même façon.

Pour tous ces acteurs économiques, des outils et guides existent pour favoriser la concertation préalable et une dynamique collective porteuse d’avenir, pertinente et durable.

En conclusion et schématiquement, une zone industrielle consiste en un territoire dont les acteurs sont essentiellement des entreprises industrielles. Pour qu’elle soit qualifiée de durable, les entreprises implantées sur cette zone doivent atteindre individuellement et collectivement les objectifs de développement durable.

Chapitre III : Le rôle de l’Intelligence Territoriale

La définition de l’ONUDI statue donc les éléments fondamentaux constitutifs du concept de ZID :

  • Un territoire défini comme la propriété commune ;
  • La communauté des acteurs industriels installés sur le territoire concerné ;
  • Des objectifs communs à tous les acteurs : l’amélioration des performances environnementales, sociales et économiques ;
  • Une stratégie collective d’optimisation de la gestion environnementale et des ressources.

Sur base de cette définition, le concept de Zone Industrielle Durable est bien évidemment au cœur des problématiques visées par l’intelligence territoriale.  L’intelligence territoriale est donc bien placée pour proposer une approche conceptuelle du ZID permettant de mieux comprendre sa nature et ses différentes dimensions.

Les stratégies des entreprises implantées dans une zone industrielle et leur coopération, d’après la définition de l’ONUDI, constituent donc l’épine dorsale de toute stratégie collective pour faire de la zone une zone « durable ». Les entreprises implémentent déjà des stratégies d’intelligence économique, pour justement renforcer leur compétitivité et leurs performances à la fois économiques, sociales et environnementales. Dès lors, par rapport à ces stratégies individuelles, la question centrale est de voir quelle coopération mettre en place entre elles. Cette coopération peut être structurelle et se décliner comme une véritable intelligence territoriale, c’est-à-dire une intelligence collective développée au niveau des réseaux d’acteurs industriels de la zone. Sur cette base, les questions fondamentales sont dès lors :

  • Comment ces stratégies individuelles d’intelligence économique peuvent contribuer par la coopération à un objectif collectif de développement durable ?
  • Quel rôle dynamique peut jouer l’intelligence territoriale dans cette ambition collective de faire de la zone industrielle une ZID ?

Cela pose donc le problème de l’articulation des stratégies d’intelligence économique des entreprises et de celles d’intelligence territoriale menées au niveau de la zone.

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de bien resituer l’intelligence territoriale par rapport au concept d’intelligence économique :

  • Dans le monde anglo-saxon, l’intelligence économique est dénommée « competitive intelligence ». Cette discipline s’est développée aux États-Unis à partir des années 1980 sous l’impulsion des travaux de (PORTER,1980), dans le contexte de la société de l’information. L’intelligence économique exploite la ressource stratégique que sont devenues la donnée, l’information et la connaissance au travers du développement des technologies numériques. (PRIOR,2009) dans son glossaire « Glossary of terms in competitive intelligence and knowledge managment », propose la définition suivante qui synthétise bien ses objectifs :
    « L’intelligence compétitive consiste en un programme, systématique et éthique, de collecte, d’analyse et de gestion de toute combinaison de données, d’informations et de connaissances concernant l’environnement commercial dans lequel une entreprise opère, qui, exécuté, confère un avantage concurrentiel décisif ou permet de prendre la bonne décision. »
  • Le concept d’intelligence territoriale s’est imposé dans les années 2000. Au départ, elle était vue essentiellement comme un domaine d’application de l’intelligence économique, en l’occurrence à la notion de territoire. Depuis, la discipline de l’intelligence territoriale a pris son autonomie comme domaine de recherche, d’étude et d’action. Elle a pour mission de faciliter la décision pour le développement durable du territoire par la collecte, l’analyse et la diffusion d’informations et de connaissances au sein des réseaux d’acteurs territoriaux fondées sur l’usage des technologies de l’information. En quelque sorte, l’intelligence territoriale se trouve à la convergence de l’intelligence économique et du développement durable en se définissant par rapport à un territoire clairement établi.   L’intelligence territoriale est pour une communauté, pour ses acteurs, pour ses intervenants, pour ses chercheurs, le moyen d’acquérir une connaissance du territoire, mais également de maîtriser son développement. L’appropriation des technologies de l’information de la communication, et de l’information constitue une étape indispensable pour que ses parties prenantes entrent dans un processus d’apprentissage leur permettant d’agir de façon pertinente et efficiente. L’intelligence territoriale est utile pour aider les acteurs territoriaux à projeter, à définir, à animer et à évaluer les politiques et les actions de développement durable.  (Jean-Jacques Girardot) Le concept d’intelligence collective est d’autant au fondement même de l’intelligence territoriale.

Ces définitions doivent être confrontées en leurs différentes composantes aux évolutions organisationnelles actuelles, en particulier sur deux points centraux :

  • L’objectif de compétitivité posé pour l’intelligence économique menée par les entreprises doit être remis en perspective avec la nécessité de créer de la coopération dans le cadre d’une économie mondialisée. Ainsi est né le terme de « coopétition » pour caractériser les nouvelles stratégies à mener au niveau des entreprises. De nouveaux modèles organisationnels combinent ainsi les principes de compétition et de coopération comme, par exemple, le modèle « Blue Ocean ». La « coopétition » participe d’objectifs de développement durable fondés sur l’amélioration des performances à la fois économiques, sociales et environnementales. Dans ce contexte, les entreprises, en même temps qu’elles doivent rivaliser dans des environnements de plus en plus concurrentiels, doivent déployer des stratégies d’alliances avec un grand nombre d’organisations de natures diverses. Ce qui est vrai pour les entreprises l’est tout autant pour les territoires qui doivent appréhendés des positionnements complexes et paradoxaux, avec tout à la fois compétition exacerbée entre eux mais, aussi, nécessité absolue d’alliances stratégiques. Les mêmes territoires sont à la fois compétiteurs et alliés entre eux, en fonction des projets et des problématiques traitées ;
  • L’intelligence territoriale repose fondamentalement sur la notion de réseau d’acteurs situés et agissant dans et sur ce territoire, ainsi que sur le processus d’apprentissage impliquant l’ensemble de ceux-ci. Le concept de réseau fonde également les entreprises, tant en interne qu’au niveau de leurs interactions avec l’environnement. Ainsi, les nouveaux modèles d’entreprises libérées, fondés sur une autonomie aussi large que possible des ressources humaines, imbriquent les organisations dans des réseaux d’interdépendances. Autrement dit, les imbrications de type neuronal estompent radicalement les frontières et limites entre organisations, et entre les organisations et leurs environnements. C’est déjà le cas dans les supply chains de secteurs industriels où les chaines de valeur sont animées et gérées au travers de plateformes informatiques collaboratives autour de grands donneurs d’ordre et une série de niveaux de supply chains. Dans ce contexte, les entreprises sont imbriquées dans des réseaux à de multiples niveaux, dont le territoire.

Au final, les entreprises, les territoires et l’ensemble des acteurs agissent dans des environnements de plus en plus complexes du fait de leur organisation systémique. Ainsi, une même entreprise participe de différents niveaux d’écosystèmes. Par exemple, elle développera ses supply chains, véritables écosystèmes structurant leurs chaines de valeur, tout en étant un acteur de sa zone industrielle d’implantation. Une stratégie de durabilité d’une zone industrielle doit donc s’appuyer sur une symbiose aussi parfaite que possible entre l’écosystème industriel de ladite zone et les écosystèmes propres des industriels y implantés.

L’objectif de l’articulation entre l’intelligence territoriale développée par le réseau d’acteurs industriels d’une ZID et l’intelligence économique menée individuellement par ces derniers doit donc être de contribuer à cette symbiose de ces différentes réalités écosystémiques. Autrement dit, ce qui devient essentiel dans ce cadre, c’est de déterminer comment les processus d’intelligence au niveau des organisations (qui sont des acteurs du territoire) et du territoire vont être coordonnées pour que l’ensemble des acteurs atteignent les objectifs de développement durable individuellement et collectivement.

En d’autres termes, l’objectif doit être de créer un modèle de développement territorial durable pour les ZID fondé sur une approche écosystémique globale.  La science de l’Intelligence Territoriale telle que définie par J-J Girardot[1] constitue le cadre théorique idéal pour mener à bien une telle entreprise scientifique. Ce lien donne accès à une description plus détaillée de ce qu’est la science de l’intelligence : www.foad-mooc.auf.org/IMG/pdf/420B-Intelligence_territoriale_territoire_et_definitions-II.pdf&ved=2ahUKEwj3uLXF-t_mAhWoPOwKHSL3BbgQFjAEegQIARAB&usg=AOvVaw0nzsrr3-wu1xw2fZCFkAc1

Chapitre IV : Solution à la problématique, une stratégie de démarche qualité

Pour atteindre cet objectif, une stratégie de qualité intégrée basée sur la combinaison des normes de développement durable offre des perspectives intéressantes. Les normes permettent d’améliorer les performances globales d’une entreprise ou d’un réseau.  En impulsant des processus de progrès et d’amélioration des performances des acteurs d’écosystèmes, les démarches de normalisation permettent aux organisations et aux écosystèmes de mieux interagir et de s’insérer dans des stratégies collectives efficaces. La démarche qualité intégrée associant les trois types de normes du développement durable peuvent constituer un puissant levier permettant aux politiques d’intelligence territoriale menées au niveau des ZID de s’harmoniser de manière optimale avec les stratégies d’intelligence économique, afin de déployer des stratégies collectives de développement durable.

Torres fait de cette démarche qualité un fondement de toute politique territoriale :

Une politique d’intelligence territoriale s’impose, qui reste une politique dont l’objectif est le développement de la compétitivité du territoire à travers l’appui aux entreprises et à l’ensemble des acteurs qui le composent, par l’utilisation des outils et méthodes de l’intelligence économique. Cette politique se décline à travers les objectifs suivants :

 –   développer des enseignements d’intelligence économique, afin   d’accroître la capacité collective d’interprétation des dynamiques de l’environnement,

– conserver la sécurité du patrimoine des entreprises et des systèmes d’information (sécurité   économique) ;

– aborder la compétitivité du territoire et des entreprises qui le composent à travers une démarche qualité intégrée associant les trois combinaisons des normes du développement durable :  environnementaux, économiques et sociaux (Torres,2002).

[i] « L’intelligence territoriale ambitionne d’être la science pluridisciplinaire dont l’objet est le développement durable des territoires dans une société de la connaissance.

La communauté territoriale en est le sujet. Son objectif est d’impulser, à l’échelle d’un territoire, une dynamique de développement durable fondée :

  • sur une combinaison d’objectifs économiques, sociaux, environnementaux et culturels,
  • sur l’interaction entre la connaissance et l’action,
  • sur le partage de l’information,
  • sur la concertation dans l’élaboration des projets et sur la coopération dans la conduite et l’évaluation des actions.

L’intelligence territoriale :

  • rassemble et produit des connaissances pluridisciplinaires utiles à la compréhension des dynamiques et des systèmes territoriaux, d’une part.
  • constitue un instrument pour les acteurs du développement durable des territoires, de l’autre. »


Schéma : Le développement durable comme combinaison de trois types de normes (Torres,2002).

Cette approche ‘’Qualité’’ dynamique et inclusive, permet à la (ZI) de réaliser des performances durables en répondant efficacement aux exigences contractuelles des donneurs d’ordre et aux besoins des entreprises dans le respect des ressources naturelles et des contraintes environnementales.

Une boite à outils indispensable

Les certifications par des attestations formelles ou de conformité délivrée par IMANOR (NM ISO 9001, NM ISO 14001, NM ISO 18001, NM ISO 27001 ou encore NM ISO 50001) s’inscrivent dans une démarche qualité à évolution permanente, prenant en compte les impératifs locaux et nationaux autant que les politiques mises en place ou les 17 Objectifs de Développement Durable et leurs 169 sous-objectifs.

La certification 14001 par exemple, devient de plus en plus importante du fait de la montée croissante des attentes des parties prenantes et du besoin en information relatifs aux impacts environnementaux des organismes publiques ou privés. Elle doit permettre l’atteinte par ces organismes d’un bon niveau de performance environnementale en maîtrisant l’impact de leurs activités, produits ou services sur l’environnement tout en s’appuyant sur la politique et les objectifs environnementaux.

La norme NM ISO 50001 publiée en 2012 par IMANOR, semble tout à fait adaptée aux Zones Industrielles déjà existantes ou en cours de création. En effet cette norme fournit des exigences et recommandations pour une organisation de toute taille, quel que soit son secteur d’activités ou son environnement, pour concevoir, mettre en œuvre, entretenir et améliorer un système de management de l’énergie permettant à cette organisation de parvenir, par une démarche méthodique, à l’amélioration continue de sa performance énergétique, laquelle inclut l’efficacité, l’usage et la consommation énergétiques.

Dans un contexte économique et environnemental où l’énergie se raréfie et se renchérie, de nombreuses entreprises et structures de toutes tailles, telles qu’on les retrouve dans les zones industrielles ou artisanales sont soucieuses de rationaliser et améliorer leur consommation énergétique pour mieux maîtriser, voire réduire leur facture énergétique, et appréhender les impacts environnementaux associés à leurs activités, produits ou services et demeurer compétitives sur le marché.

Pour joindre utilité et efficacité, il pourrait d’ailleurs être opportun de mettre en place des installations photovoltaïques de taille moyenne et compléter ainsi utilement le programme national NOUR par des installations de proximité de taille intermédiaire, qui pourraient être installées, comme dans certains pays, sur les toits des bâtiments de stockage ou d’exploitation. On mesure bien ici, le rapprochement souhaitable et possible entre l’Agenda 2030, au moins 9 sur les 17 Objectifs de Développement Durable, et un nécessaire accompagnement à la démarche qualité pour et par tous les acteurs de ces zones.

Quant à la norme NM ISO 27001, elle se devrait d’accompagner le volume croissant d’informations et les systèmes informatiques qui participent à cette accélération avec les bénéfices de la dématérialisation. Les entreprises sont aujourd’hui connectées en interne mais aussi dans le monde entier. De ce fait, Leur système d’information est accessible de l’extérieur par leurs fournisseurs, clients, partenaires et administrations, mais de ce fait deviennent très vulnérables
vis-à-vis d’attaques potentielles d’informations, l’usurpation d’identité, l’intrusion et l’utilisation abusive ou frauduleuse de ressources systèmes ou encore leur destruction ou blocage. La sécurité informatique est l’un des cinq risques majeurs recensés par chaque entreprise, et plus encore par une structure telle qu’une zone industrielle accueillant de nombreuses TPE, ou PME.
L’investissement dans les mesures de protection est donc indispensable et la mise en œuvre d’un plan de sécurité pour garantir la disponibilité, l’intégrité et la confidentialité de l’information s’impose à toutes les entreprises, et à fortiori à des espaces d’accueil tels que l’ensemble des zones industrielles (ZAE, ZI, PI et P2I)

« Au-delà de son intérêt principal qui est la fiabilité, la sécurité du système d’information, la norme NM ISO 27001 garantit à l’entreprise la confiance de ses partenaires, la responsabilisation de ses collaborateurs, et la maîtrise des dépenses informatiques.
La norme NM ISO 27001 permet par ailleurs aux entreprises d’obtenir une certification qui atteste de la mise en place effective d’un système de management de la sécurité de l’information (SMSI). Cette certification garantit aux parties prenantes (clients, actionnaires, partenaires, etc.) que la sécurité des systèmes d’information a été sérieusement prise en compte et que l’entreprise s’est engagée dans une démarche d’amélioration continue. » (Source IMANOR)

Afin de faciliter la mise en place de la démarche qualité dans l’entreprise d’accueil sur le site de chaque Zone Industrielle, mais aussi dans chacune des entreprises industrielles ou artisanales présentes sur la zone, l’installation sur site d’une équipe, cellule ou service de formation et d’accompagnement à la démarche qualité pourrait être rapidement bénéfique à tous les opérateurs publics ou privés concernés directement ou indirectement.

En plus du soutien à la création des systèmes de management de la qualité et des manuels qualité et procédures qui vont avec, entreprise par entreprise, cette cellule ou ce service pourraient apporter aux acteurs présents sur la zone, des savoirs faire et compétences en phase avec l’agenda 2030 et les 17 Objectifs de Développement Durable.

En effet, la qualité, à travers sa démarche transversale, sa dynamique de progrès et son leadership humain, constitue un levier potentiel performant pour un développement socio-économique partagé, permettant à la fois de construire et de pérenniser un avenir meilleur et durable.

Chapitre V : Conclusion

 La situation des Zones Industrielles au Maroc dans leur diversité, montre encore de nombreuses faiblesses et insuffisances. Des outils pertinents, déjà rodés, tels que les manuels de l’UNIDO pour la mise en œuvre des PEI (Parcs Eco-Industriels), facilitent leur adaptation dans le respect de l’Agenda 2030. Pour permettre de rapides améliorations des performances des zones, Il est évident que ces guides ne seront efficaces qu’accompagnés de solides formations non seulement des gestionnaires de zones, mais également de l’ensemble des acteurs au premier rang desquels les entreprises industrielles implantées. Cet objectif de formation se trouve au cœur du processus de renforcement des capacités des réseaux d’acteurs au fondement de l’intelligence territoriale.

L’intelligence territoriale s’est bien évidemment déjà accaparée cette problématique du développement durable des zones industrielles. Des axes de progrès opérationnels peuvent être planifiés comme par exemple :

  • Favoriser la création de statuts d’aménageur de zones industrielles et/ou d’opérateurs environnementaux, en mesure d’être délégataires pour la mise en place des installations des zones industrielles, et à même d’en garantir la conformité avec les normes environnementales et industrielles les plus avancées ;
  • Orienter la gamme des services (qui ne suit pas l’ensemble des besoins des industriels) davantage vers les employés, notamment par l’implantation de restaurants, de crèches, de transports en commun, de postes de police et de premiers secours, d’espaces bureautiques et multi-services avec accès internet. Avoir une approche plus orientée vers le client et les usagers nécessite aussi le renforcement du tissu associatif des zones industrielles. Les associations existantes n’interviennent trop souvent que comme des interlocuteurs de ces zones, et n’ont pour l’instant que de faibles capacités ;
  • Mise en place, pour ces espaces généralement éloignés de la vie de la cité, et après signatures de conventions et de charte(s), des Groupements d’Acteurs Solidaires intéressés au développement de zones industrielles durables au Maroc ;
  • Actions orientées vers la bonne santé, le bien être, et sur la capacité de tous les acteurs de la vie sociale et économique à partager des espaces, des valeurs et des actions qui améliorent le vivre ensemble, et servent ainsi l’intérêt général.

Cependant, de manière beaucoup plus fondamentale, un effort de réflexion scientifique et stratégique pour repositionner les modalités d’analyse et d’action de l’intelligence territoriale est nécessaire pour se doter d’une maîtrise optimale du concept de ZID et être en capacité de développer des stratégies de développement durable des zones industrielles. En un mot pour concrétiser le plein potentiel de ce concept très riche de zones industrielles durables (ZID).

 En conclusion, certains points majeurs peuvent être retenus :

  1. Une stratégie de développement durable au niveau d’une zone industrielle repose sur une complexité écosystémique représentant des défis importants que doit rencontrer l’intelligence territoriale. Sa mission essentielle sera de réaliser une synergie optimale entre les différents écosystèmes agissant ou ayant des impacts sur le développement d’une zone industrielle. Ainsi, l’écosystème que constitue en soi les réseaux d’acteurs implantés sur celle-ci, devra réguler ces interactions avec une multitude d’autres systèmes : écosystèmes propres à chaque entreprise industrielle implantée, écosystèmes institutionnel, écosystème urbain dans lequel est implantée la zone, etc… ;
  2. C’est le fondement même de l’intelligence territoriale : elle est définie par rapport à l’idée de territoire et donc à la délimitation de ce dernier, à ses frontières. Cependant, la nature systémique de notre monde d’aujourd’hui pousse toute analyse, toute action individuelle ou collective à franchir, et même à éradiquer ces frontières. Conceptuellement, il est donc illusoire d’attendre de l’intelligence territoriale la solution « miracle » à la problématique de durabilité des zones industrielles. Pour sa réussite, il est plus que nécessaire de la dépasser pour instaurer une réelle intelligence écosystémique ;
  3. Une telle intelligence systémique doit se fonder sur une synergie parfaite entre intelligence territoriale conduite au niveau du réseau des acteurs industriels d’une zone et intelligence économique menée individuellement par les entreprises industrielles y implantées ;
  4. Une politique territoriale de démarche qualité fondée sur la conformité à une combinaison de normes économiques, sociales et environnementales constitue un axe efficace d’action.

Bien évidemment, l’ambition de cette communication n’était pas de proposer une architecture exhaustive d’une intelligence territoriale pour une zone industrielle durable. Elle était plus modestement d’ouvrir des pistes de réflexion et d’amorcer le débat avec de premières propositions opérationnelles.

En tout état de cause, ce débat et cette réflexion devront se nourrir de nouvelles recherches et expérimentations sur le terrain, avec l’objectif de construire une véritable intelligence systémique sur laquelle pourront s’appuyer intelligence territoriale et intelligence économique.

 Bibliographie :

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PROJET LIFE ECO BIZ, ‘’guide de gestion environnementale des zones d’activité’’, TI TECH, juin 2017

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Torres E., « Adapter localement la problématique du développement durable : rationalité procédurale et démarche-qualité », Développement durable et territoires [En ligne], Dossier 1 | 2002

GIRARDOT J.-J., « Unité d’Enseignement « Intelligence et gouvernance territoriale », Université de Franche-Comté, laboratoire THEMA, www.foad-mooc.auf.org/IMG/pdf/420B-Intelligence_territoriale_territoire_et_definitions-II.pdf&ved=2ahUKEwj3uLXF-t_mAhWoPOwKHSL3BbgQFjAEegQIARAB&usg=AOvVaw0nzsrr3-wu1xw2fZCFkAc1

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PRIOR V., « Glossary of terms in competitive intelligence and knowledge management », http://www.scip.com, 21 0ctobre 2009

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[1] « L’intelligence territoriale ambitionne d’être la science pluridisciplinaire dont l’objet est le développement durable des territoires dans une société de la connaissance.
La communauté territoriale en est le sujet. Son objectif est d’impulser, à l’échelle d’un territoire, une dynamique de développement durable fondée :

  • sur une combinaison d’objectifs économiques, sociaux, environnementaux et culturels,
  • sur l’interaction entre la connaissance et l’action,
  • sur le partage de l’information,
  • sur la concertation dans l’élaboration des projets et sur la coopération dans la conduite et l’évaluation des actions.

L’intelligence territoriale :

  • rassemble et produit des connaissances pluridisciplinaires utiles à la compréhension des dynamiques et des systèmes territoriaux, d’une part.
  • constitue un instrument pour les acteurs du développement durable des territoires, de l’autre. »

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